Tout le monde n’entretient pas le même rapport ni la même histoire avec la fête de Noël, qui oscille entre tradition culturelle et fête commerciale. En ce sens, quel discours tenir aux enfants ?
Beaucoup de familles, encore très attachées à cette tradition, attendent avec impatience les fêtes de Noël et entretiennent le mythe et ses symboles à la maison. Le sapin de Noël, les guirlandes, les boules et le fameux vieil homme à la barbe blanche et à l’habit rouge…
D’autres parents sont plus méfiants et refusent de mentir à leurs enfants, de contribuer à entretenir un mythe qui finira peut-être par les décevoir.
A quel âge en parler ?
Noël n’a aucune signification particulière pour bébé. S’il comprend que cette fête a une importance pour les autres à partir de deux ans, il n’éprouve pas le besoin d’anticiper cette fête comme les adultes.
Le Père Noël construit l’imaginaire des enfants, apporte une part de rêve aux enfants et participe à son développement.
Le psychanalyste Bruno Bettelheim, qui avait beaucoup travaillé sur « les contes de fées » dans les années 1970, disait que permettre aux enfants de croire au Père Noël et en sa magie, c’est leur donner un peu d’espoir dans la vie, les sécuriser, les rassurer devant les obstacles, leur donner quelque chose de bon pour eux.
Vers 6 ans les enfants se posent généralement des questions sur le Père Noël, son existence, mais bien évidemment la façon dont il va pouvoir apporter les cadeaux :
« Par où il va passer, nous, on n’a pas de cheminée ? »
« Il sait où j’habite ? »
Autant de questions qui vont intéresser les enfants avant le jour de Noël.
Comment en parler?
Parlons chiffres:
- 95% des petits âgés de 2 à 4 ans croient au Père Noël !
- Et entre 8 et 9 ans, près de la moitié des enfants y croient encor
Annoncer que le Père Noël n’existe pas constitue l’une des premières déceptions chez l’enfant…
Ben souvent, pour les parents, lorsque l’enfant grandit, le problème va être de lui annoncer qu’il n’existe pas.
Le plus souvent, les choses se font progressivement.
« Jusqu’à 6 ans, l’imaginaire est tout puissant chez l’enfant. Mais autour de 7 ans et ce qu’on appelle l’âge de raison, l’imaginaire régresse et le sens de la réalité prend le pas. Il commence alors à émettre en doute, à poser des questions. « assure la psychologue Béatrice Copper-Royer.
« Si l’enfant croit toujours dur comme fer au Père Noël après 8 ans, une conversation est envisageable » estime -elle.
« On peut lui demander: ‘Et toi, qu’est-ce que tu en penses de cette histoire de Père Noël?‘ On le fait parler et on essaie d’abord de comprendre ce qu’il a dans la tête, de l’écouter, ajoute cette spécialiste de l’enfance et de l’adolescence.
Parfois, on se rend compte qu’il n’y croit pas tant que ça. On aborde ensuite les choses en douceur. On peut lui expliquer que c’est un joli conte qui se transmet de génération en génération, une histoire à laquelle on tient beaucoup, mais que ce n’est pas la réalité. »
Recommandations similaires pour la pédiatre Edwige Antier, qui invite même les parents à faire appel à la complicité de l’enfant pour le valoriser une fois la vérité découverte. « On peut lui dire qu’il faut garder le secret pour son petit frère, qu’il est maintenant un grand et qu’il peut lui aussi préparer les paquets ou les cadeaux pour ses proches. Cela le rendra actif dans cette notion de générosité. »
Pour l’enfant de 7 ans qui maintiendrait que le Père Noël existe bel et bien: alors c’est trop tôt, la conversation sera pour plus tard.
Que faire si révélation précoce ?
Que faire dans le cas où ce sont des enfants qui disent au jeune enfant que le Père Noël n’existe pas ?
« Les grands fanfaronnent parfois auprès des petits et leur disent que le Père Noël n’existe pas ou leur montrent où sont cachés les cadeaux, constate la pédiatre Edwige Antier.
Le petit va avoir des doutes mais souvent il n’aura pas envie de renoncer aussi facilement à cette idée magnifique. »
On peut lui demander : « Qu’as-tu envie de croire, toi ? S’il hésite, c’est qu’il n’est pas encore prêt à y renoncer.
Par contre, s’il insiste pour savoir la vérité, il faut la lui dire.
Option « no Père Noël »
Certains parents « privent » leur enfant de ce rite. Pourquoi ? Est-ce néfaste pour l’enfant ?
La volonté de ne pas mentir à son enfant : tel est le principal leitmotiv de ces parents qui décident de ne pas adhérer au mythe du Père Noël.
Oui, le Père Noël est un mensonge, mais un joli, gentil mensonge (à la différence d’un lourd secret de famille, destructeur). Le Père Noël, c’est la magie, la fête, le mystère ; mais aussi le don, la générosité, la beauté gratuite d’offrir.
Alors pourquoi ce « mensonge » gêne-t-il certains parents ?
- Le plus souvent c’est vers leur propre enfance, leur ressenti d’enfant face à ce mythe et à sa chute.
- Ou bien ce sont des adultes désabusés par l’injustice sociale et financière et qui, avant même que leurs enfants en fassent l’expérience, les mettent rapidement au fait pour leur éviter toute désillusion, et ainsi les protéger… Voici un autre visage de ces parents « anti Père Noël ».
- A l’instar de cette volonté farouche de ne pas mentir à son enfant, certains parents évoquent l’importance du merci, qui tombe dans les oubliettes avec le Père Noël
Pour conclure
Alors, est-il pour autant nuisible au développement de l’enfant de ne pas lui faire croire au Père Noël ? Est-ce risqué pour son bien-être psychique de le priver de ce passage initiatique ?
« Non, nous rassure la psychiatre Dominique Tourrès-Gobert. L’expérience de la réalité, si elle ne passe pas le rite du Père Noël, se fera autrement. Que ce soit en la personne du bonhomme rouge ou via toute autre figure, l’enfant aura à faire ce même trajet du merveilleux à la désillusion »